Éclairage :
Qu'entend précisément Descartes, adoptant pour troisième maxime de "changer mes désirs que l’ordre du monde" ? Notre conduite ne nous met pas seulement en rapport avec nous-mêmes : si nous agissons, c'est dans le monde, et sur le monde. Est-ce à dire que nous n'aurions pas prise sur "l'ordre du monde", de telle sorte que la sagesse commanderait de se résigner à ne pas désirer modifier le monde, mais seulement ce qu'il est en notre pouvoir de réformer en nous-mêmes ?
Remarquons d'emblée que Descartes s'intéresse ici au cas où il apparaît comme "absolument impossible" de conformer l'ordre des choses à nos désirs. De fait, est-il en mon pouvoir d'agir sur les lois naturelles ?
En revanche, cela signifie-t-il pour autant que, par la connaissance des lois de la nature, nous ne pourrions pas y agir afin de la modifier dans un sens qui nous est avantageux, et participe du bien commun des hommes ?
Extrait :
Mais, sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que, commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusques à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer autant qu’il est en nous le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du tempérament, et de la disposition des organes du corps que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusques ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher.
René DESCARTES, Discours de la méthode, sixième partie, GF-Flammarion, 2000, p. 98-99.
Questions :
1. Relevez dans cet extrait les éléments donnant à induire que Descartes se fait un devoir d'indiquer une voie par laquelle agir sur le monde, et analysez-les.
2. De quelle manière, d'après cet extrait, pouvons-nous "nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature" ?
3. Analysez en quoi cette fin attribuée aux applications pratiques de la science est désirable, en même temps que bonne.
4. Articulez, dès lors, cette thèse à l'extrait consacré à l'énoncé de la troisième maxime.
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